messages
arrivent sur moi des messages
ils me cognent avec force
tels les papillons de nuit
qui heurtent les parois
ou parfois
à peine me frôlent-t-ils
de leurs frêles mains
m’étreignent
et puis à nouveau ils m’abattent
me broient
supplice qui m’est infligé :
les saisir les déceler
passage
béni soit mon passage
cette demeure
aussi longue aussi large que mon corps
à travers lequel je glisse vers le centre
de la terre
tel l’explorateur
dans les abymes d’océan
je tiens à présent
l’instrument le plus puissant
du savoir
avec lui j’aboutirai
au mystère appelé
soleil vert
sentier
tu portes avec toi le savoir
d’un monde
qui EST
parallèle à celui-ci
au-dessous ou au-dessus
tantôt en haut tantôt en bas
un gamin
te montre
chaque enjambée à faire
le sentier s’ouvre
avance !
mais pas (tout à fait)
jusqu’au bout
noix verte
l’idiot de la famille
me fascine
je voudrais me glisser
dans son crâne
dompter chacune de ses pensées
les dénoyauter
comme l’on dénoyaute une noix
verte
et les avaler
par un oiseau
un message m’arrive de toi
par un oiseau
une hirondelle on dirait
mais je n’en suis pas sûre
j’ignore comment il est entré chez moi
il se débat à présent veut sortir n’y arrive pas
et s’arrête tout à coup
me fixe de son regard
venu de l’au-delà
mais qui A de la vie
puis disparaît je ne sais où
puisque ma demeure est sous scellées
pourquoi toute cette histoire m’effraie tant ?
mécanisme parfait
ciel et terre
je vous aime vous aime vous aime
votre cruauté
a fait
de mon âme de mon esprit
un mécanisme parfait
qui ne sait rien d’autre qu’aimer
aux grosses lèvres
dégoulinant de plaisir
ainsi crierai-je encore et encore :
« dans mes veines végétales dans mes veines végétales
le sang coulera
parmi les rouges tombeaux
tombeau je serai
la joie m’attrapera
dans sa farandole dorée
un jus frais
à nouveau coulera
des tissus pourris du monde »
usine hollandaise de volailles
je fixe du regard
cet objet vert
où est écrit ENTRÉE
hébétée je contemple l’étrange danse
envoûtante
des poulets
qui avec grâce disparaissent
derrière l’objet vert
tant de soins pour les élever
pour les dresser
à se diriger en rang d’oignons
sur la bande roulante
comme engouffrés dans l’au-delà
envie numéro un
irrépressible envie de nourrir les pigeons
avec les miettes de chaque repas
l’application à ne perdre aucune miette
qui pourrait parfaire son sang bleu
d’oiseau et de fleuron
entrés dans le circuit universel
envie numéro deux
envie de m’allonger
les bras en croix
le dos bien collé
à la terre
envie de sentir sous mon corps
ce lit ferme
qui m’écorche
de se lattes
envie de regarder le ciel si bleu
depuis mon lit de Procuste
de mes yeux jaillit
le sang de la chicorée
sentir
sentir sa main droite
tâter dans un chaudron
de peinture verte
sentir sa main gauche
plonger entre des couches rougeâtres
se sentir un pied dans la tombe
et l’autre
sur la montagne
exquise sensation
de déséquilibre
échelle
je monte une marche en bois
puis une autre
m’agrippe à la paroi
m’y accroche puis ma main y reste clouée
je regarde en bas
brouillard sans issue
étourdissement doux !
et si je me laissais
choir
dans le vide ?
étreinte
le rêve
cette nuit :
quelqu’un qui me pousse
tendrement
violente tendresse
dans un gouffre rouge et
ardent
qui depuis des millénaires songe
à cette union avec moi
petit être
pris au dépourvu
face à la joie
de l’étreinte
objet vert versus état de rouge
comme aspirée
dans l’objet vert
sauvée ou perdue je suis
personne ne le sait
état de bien
état de mal
dans peu de temps sans doute
on en tranchera
par l’état de rouge
.
©
- Image : Blair Vaughn-Gruler, Poetry of Geometry, Desert Snow 1, oil painting
| www.blairvaughngruler.com | - Textes : Irina Mavrodin (1929-2012), poèmes parus dans la revue Luceafărul, no. 35, 2008
- Croquis et traduction du roumain : Luiza Palanciuc | 22 mai 2012 |
Pour citer cette page :
INSTITUT FONDANE | www.fondane.net |
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